Vendredi 18 juillet 2008 à 20:06

Doux leurre, troisième partie

Il fallut lui apprendre à se servir de ses ailes. Elle ne les sentait même pas et les contrôlait ainsi sans y penser. Etrangement on aurait pu penser qu'elle-même était un ange, ce n'était pourtant aucunement le cas. Elle fendait l'air, divinement gracieuse avec ses ailes et son rire parfait. Lui, se contentait de la suivre en silence, profitant du temps où il était certain de rester en sa joyeuse compagnie. Et puis cette initiation lui rappela Loue. Loue qu'il avait rencontré il y a tant de temps et pourtant il était toujours le même, il n'avait pas pris une ride. Lorsqu'ils étaient encore humains tous les deux, Loue et lui étaient voisins. Loue était malade, elle avait développé un cancer qui s'était étendu et lorsqu'ils commencèrent à sortir ensemble après tant d'années d'amitié, la maladie était tellement grave que Loue voyait ses jours comptés. Alors une nuit où les deux amoureux se promenaient au clair de lune,  Taël avait pris la main et lui avait promis qu'ils seraient toujours ensemble et puis ils s'étaient bourrés de pilules et de cachets. Et ils étaient arrivés ici, dans ces mêmes nuages au milieu desquels ils voletaient en cet instant. Il se souvint que la première fois que Loue avait voulu voler, elle était tombée et il avait bien failli ne pas réussir à la rattraper à temps. Même si les anges sont comme les poussières d'étoiles éternels, les humains auraient sans nul doute trouver étrange qu'une demoiselle ailée s'écrasa sur le macadam puis se relève comme si de rien n'était. Et puis lorsqu'ils ont été séparés, la première fois en retournant dans de nouveaux corps. Lui au Mexique et elle en Pologne, le temps et l'énergie qu'il avait du déployer pour la retrouver, elle qui ne se souvenait de rien. Et sous ses yeux se présenta la violente dispute d'il y a deux ans. Cette seule dispute les avait séparé, elle ne voulait plus jamais entendre parler de lui, c'était un idiot, un abruti et elle ne l'aimait pas, elle avait juste recherché un peu de compagnie dans sa détresse. A l'évocation de ce douloureux souvenir qui ne manquait jamais de le rattraper un filet de larmes s'échappa de ses yeux. Eléa les recueillit en silence du bout de ses doigts et les avala goulûment, puis l'embrassa. Eléa, leur histoire était différente, même si au fond, c'était pareil. Cette fois, c'était Taël qui était tombé malade, de désespoir après sa séparation avec Loue sans doute, son amour aux yeux encre le savait, le beau blond dont la chevelure était plus foncée lui avait avoué. Et c'est la belle qui était venue à lui, un soir de détresse où il cuvait assis par terre à côté de l'entrée de la station de métro. Elle, la petite orpheline qui n'avait rien à perdre lui avait offert sa vie et son amour, immédiatement attirée par ce garçon étrange au regard comme un tempête de mer. Ils étaient deux anges. Les deux anges de l'innocence.

« Eléa ?
- Chut, ne parle pas trop fort, si j'avais encore mon cœur il m'aurait déjà transpercé la poitrine à cause de ta voix.
- Je suis désolé, ça doit être tellement dur pour toi …
- Eh je peux savoir en quel honneur tu me balances ça comme ça ! Je te rappelle que je suis une orpheline, j'ai rien à perdre.
- Avait, tu es morte, par ma faute.
- Arrête avec ça, c'est merveilleux tout ça, il y a juste une chose que je regrette.
- Quoi donc ?
- Notre apparence physique, elle change de jours en jours, regarde rien que mes yeux et tes cheveux. Comment ça se fait ?
- Oui, c'est vrai, je n'y avais pas pensé. Ce sont nos âmes qui se préparent à repartir chez les humains. Dans de nouveaux corps, car même les anges ne peuvent restés trop longtemps éloignés de la terre qui les a vu naître.
- Ca veut dire qu'on va retourner en bas.
- Oui…. Je sais que je ne te l'ai pas dit et que j'aurai du mais…. »

Sa voix se brisa en un sanglot rauque, il transpirait le malheur et la tristesse, le désespoir lui sortait des yeux. Il s'affala sur le nuage, à genou, exténué par tant et tant de remords. Elle le suivit dans sa chute, se rapprochant de lui et l'enlaçant tendrement, ses doigts s'agrippèrent à ses cheveux.

« Je te dis que je regrette rien. Crois moi un peu bon sang. Ce n'est pas grave si on retourne sur Terre, je saurai te retrouver si on est séparé, je t'aime tellement que mes pieds, à défaut de mes ailes, seraient bien capables de me conduire à toi, sans que j'y pense. Allez viens mon amour.
- Non, je veux rester encore là, je veux rester dans tes bras. S'il te plait, je ne veux pas que tu partes, je ne veux pas te quitter. Je suis sur que je ne le supporterai pas, rien que de te perdre de vue quelques secondes me donne envie de sauter.
- D'accord, d'accord. Calme-toi mon ange, d'accord.
- Hum, tu sens tellement bon, et ces mots n'ont jamais été aussi vrais qu'aujourd'hui …
- Que je sens bon ?
- Non, que je suis un ange. »

Et la tristesse et la détresse dans laquelle ils étaient plongés l'un et l'autre, Taël de peur de la perdre et Eléa de peine de le voir ainsi se faire du mal, s'évaporèrent en rires joyeux mais discrets. Il ne fallait pas rire trop fort, on ne savait jamais, les autres pourraient jalouser leur amour, car même les anges ont leurs défauts.

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