Mercredi 17 décembre 2008 à 20:52

Le pantin frissonnant


On aurait dit un être vivant. Un presque humain tout en métal mais sans frisson sur sa peau, pourtant tant de frissons parcouraient ses os. Celà le faisait trembler et il perdait le contrôle. Gifflait le vide dans un grand sifflement comme une bouilloire à thé oubliée sur le feu depuis trop longtemps. Tout ce manège infernal avait pour effet de lui faire emmêler ses fils dorés dans ses articulations rouillées. Et le pauvre pantin, rouillé, emmêlé, torturé par lui même, marchait désespérément dans la neige. Mais pour un être de métal, marcher dans un élément composé d'eau peut s'avérer salutaire. Sentant ses articulations grincer dans un miaulement inhumain, et ses mécanismes internes ralentir, le pantin s'offrit une joie qu'il n'avait pas s'offrir. Puisque la neige devait l'anéantir, autant batiffoler avec elle. Il se roula dans cette substance douce et engourdissante, s'enterra, dessina des anges tordus aux faces fantastiquement grotesques. La joie l'étouffait tant qu'il ne ressentit même pas les effets sournois de la neige. Et comme un gigantesque arbre mort, s'arrêta, noir et épais dans la neige. Son corps refusait de bouger, mais son esprit vagabondait encore, imaginant les milliers de possibilités qui s'offraient à chaque être vivant et non vivant, à chaque particule de poussière. Et son infatigable cerveau de rouages et de ressorts fonctionnait pour tout son corps.
En été les enfants passèrent près de lui, et une fillette grimpa même dans ses bras pour s'y blottir et dormir avec sa boîte à musique et sa poupée de chiffons. C'était tellement étrange de ressentir les vibrations du coeur de cette petite. Et les frissons reprirent, les même qui avaient pourtant cessé il y a quelques mois de celà. L'enfant se réveilla, sauta à bas de cette étrange créature avec sa poupée, mais sa boîte resta coincée dans la main agitée du géant de métal. Gagnée plus par la peur que l'envie de réccupérer son réceptacle mélodieux, elle courut rejoindre d'autres enfants plus loin, qui affoler à la vu de cette chose étrange s'enfuirent en courrant.
Le pantin resta là quelques instants encore tourmenté par ses grands tremblements. Si la neige avait fondue avec le soleil, les arbres avaient poussés et ses pieds, plantés dans le sol depuis trop longtemps maintenant étaient entourés par de grandes racines qui ne voulaient pas lâcher prise. Le pantin avait beau se débattre comme un beau diable, rien n'y faisait. Dans un effort il mobilisa toute sa force engourdie et perdit l'équilibre, tomba sur le ventre. S'écrasa sur la boîte à musique restée dans sa main. Instantannément celle-ci se mit en route et s'encastra dans son ventre froid et rouillé. Les racines se déroulèrent, et le pantin se retrouva libre de ses mouvements.
Ses tremblements continuèrent, mais avaient à présent pour drôles d'effets de faire s'accélérer ou ralentir la petite musique qui s'échappait de ses entrailles. Il semblerait normal qu'après tant de temps passer au même endroit le pantin ait voulu voir du pays, mais il resta là, s'assit et attendit avec pour seule compagnie cette musique qui ne semblait pas vouloir prendre fin. Il attendait le retour de la petite fille, mais elle ne revint jamais, et la musique continuait à s'égrener à des rythmes capricieux. Les racines revinrent vers lui et s'enroulèrent sur ses pieds, l'entrainant chaque fois plus sous terre. Un jour, alors que tout son corps était enfoui sous terre et que la boîte à musique avait finalement cessé son vacarme empreint de douceur, une jeune fille vint s'agenouiller dans l'herbe, et voyant dépasser un bout de feraille le tira. Il résista. Alors elle gratta le sol avec une pierre et y découvrit un pantin de taille humaine, et dans ce pantin, sommeillait une boîte à musique bien familière. Lentement elle approcha sa main de la manivelle, la tourna et les premiers échos de sons parvinrent à ses oreilles. Alors le pantin se redressa lentement, cassant peu à peu les racines, et voyant le sourire apparaitre aux coins des lèvres de la demoiselle, plongea ses grandes mains dans son ventre et voulu en retirer la boite à musique. Gentillement, la jeune fille l'en dissuada, arracha les dernières racines qui le retenait et l'aida à se relever. Le pantin, ne sachant que faire devant tant de gentillesse, fit une révérence dans un cliquetis et un grincement métalique peu heureux. La jeune fille sourit, et parti avec cette nouvelle boite à musique géante qui lui tenait la main et refusait de la lâcher.
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