Samedi 30 mai 2009 à 16:37

"Annie je suis rentrée !
Ses talons hauts claquent sur le paquet ciré, je déteste ce bruit.
- Je suis dans le salon !
Ca fait 4 mois que je connais Marine. On est collocataires. On s'aime beaucoup, mais ne se supporte pas tous les jours. Il faut toujours faire attention à ce qu'on dit, parce que même si on est des fortes têtes toutes les deux, il faut dire qu'on est quand même assez fragiles. Et quand on s'emporte c'est pas toujours joli à voir.
- Je t'ai pris un morceau de pastèque !
Chacune notre tour on va faire les courses, une fois par semaine. Au début on y allais toutes les deux, et finalement ça faisait désordre et on s'est rendu compte qu'on avait les même gouts et que ce serait plus simple si on faisait ça chacune son tour. Cette semaine c'était donc le tour de Marine.
- Regarde moi un peu ce chemisier si il n'est pas magnifique !
- Encore des fringues ! Tu vas finir par exploser to budget !
Marine est une dingue de fringues, une vraie fashion victime, du bout des ongles des orteils jusqu'à la mèche, dans la salle de bain tout est à elle ou presque, elle a la plus grande chambre parce que ses affaires ne rentraient pas dans le placard de l'autre... Même la grande ne suffit pas dailleurs, on a du mettre une petite penderie dans le salon derrière un paravent.
Quant à moi...
- Et toi tu devrais penser à l'exploser un peu plus justement ! C'est quoi ces guenilles ?!
- Ca s'appelle un poncho et un pantalon en toile, c'est pas des guenilles !
Disons pour faire simple que je n'aime pas vraiment prendre soin de moi.
- Si tu le dis, et ça c'est quoi ?
- Un roman, c'est comme une magazine people mais sans les photos et les couleurs, il y a plus de pages et une vrai histoire dedans.
- Ca raconte quoi ?
- Une rupture, des rencontres.....
- En parlant de rencontre, j'ai croisé Marc...
Sa voix devient lointaine, c'est vrai que la distance qui nous sépare s'agrandit puisqu'elle va ranger les courses dans la cuisine, mais je crois aussi que la révélation anodine qu'elle vient de me faire emporte mon esprit vagabonder dans le passé lui aussi.
- Oh, .. Il va bien ?
Le simple fait d'articuler ces quelques mots me noue l'estomac et mes sentiments restent coincés en travers de ma gorge. J'ai du mal à respirer, il faut que je me calme.
- Disons qu'il avait l'air fatigué. Il a demandé de tes nouvelles.
- Vraiment ? Qu'est ce que tu as répondu ?
Bon sang la connaissant Marine a du faire quelque chose de vraiment stupide... Comme lui donner l'adresse ou...
- Je lui ai passé ton numéro et je lui ai dit que s'il voulait des nouvelles c'était à toi qu'il fallait s'adresser.
C'est encore pire que ce que je pensais... D'un autre côté Marc n'osera peut être pas appeler. Il n'a jamais aimé le téléphone, même quand c'était moi qu'il appelait...
-... et tu sais il était avec ce gars tellement magnifique, j'ai eu du mal à lui dire au revoir tellement il était beau. Même toi tu n'aurai pas résister, il était tellement attirant, tu sais un peu comme un trou noir...
- Ah oui... Renaud.
- Exactement ! Tu le connais ? Quand même t'aurai pu nous présenter, il est tellement...
En temps normal je ne l'aurai pas découragé de la sorte et je ne lui aurai pas répondu si sèchement, mais il serait temps qu'elle se contrôle un peu et qu'elle apprenne à réfléchir avant d'agir.
- Tellement gay oui ! Bon je sors...
- Eh ! Attends prends ton portable !
- Pas besoin."
La porte claque derrière moi. Pas de besoin de ce foutu téléphone qui risque de sonner et auquel je n'ai aucune envie de répondre. J'y suis peut être allée un peu fort avec Marine. Il faudra que je m'excuse en rentrant.
Boire un bon chocolat chaud et avaler un croissant bourré de calories, voilà ce qu'il me faut. Le sucre c'est encore le meilleur moyen de faire passer les angoisses et les pensées douloureuses.
"Annie ! Ce que tu peux être méchante ! Mais qu'est ce que t'as avec Marc bordel ! Pourquoi tu le vois plus ? C'est quoi le problème ? T'as jamais rien voulu me dire. Tout ce qui s'est passé c'est que je suis rentrée un soir, que sur le chemin j'ai vu Marc qui avait l'air drôlement sur les nerfs alors que d'habitude il est si calme... Et toi t'étais en train de faire un moelleux au chocolat dans la cuisine que tu m'as dailleurs défendu d'avaler... Qu'est ce qui s'est passé ? Et pourquoi tu vois plus non plus Elise ?
- Parce que j'ai merdé.
- Quoi ? Je comprends rien, et ralentis un peu, j'ai des talons !
- Tu vas pas me lacher hein ?
- Non."
Elle a vraiment un sourire magnifique quand elle était chiante. Enfin bon, allons-y. De toute façon elle ne pourra pas me foutre la paix plus longtemps.
On a marché jusqu'au café en silence une fois lui avoir promis de lui raconter.
Le chocolat chaud et le croissant ont toujours eu des pouvoirs magiques sur moi. J'ai commencé à raconter. Tout depuis le début.
La rencontre avec Marc à une fête au lycée. La complicité qui s'était rapidement tissée entre nous et qui grandissait sans cesse. La confiance totale que j'avais en lui. La mauvaise idée que j'avais eu en lui présentant Elise. La jalousie que j'avais peu à peu développé, du fait qu'ils soient si heureux et que moi j'aie le sentiment de la perdre si facilement. La possessivité qu'Elise avait manifesté avec violence. Les nombreuses réprobations de ses amis qui avaient été les miens mais ne se gênaient pas pour débattre de ma fidélité, de ma loyauté, de mon apparence, de mes mensonges, de mes coups de coeur à répétition...celles de mes amis aussi. Les rendez-vous en cachette au cinéma, les mensonges, le bien être dans lequel je baignais en sa compagnie. L'épreuve des vacances, des moqueries et de la rentrée. Nos rendez-vous qui continuaient, de plus en plus espacés. Et le soir où tout avait merdé.
Comme souvent, on s'était réunis comme ça à l'appartement, on se regardait des films qu'on ne pouvait regardé avec personne d'autre parce qu'ils n'aimaient pas, on se racontait tranquillement des secrets, on s'endormait parfois l'un sur l'autre comblé de bien être et de sécurité qu'on n'éprouvait pas l'un sans l'autre et qui nous empêchait de dormir correctement par moment. Et l'erreur que j'avais commise. Dans mon sommeil je l'appelais, souriais le voyant au loin, lui sautais dans les bras. Lui était réveillé, et me sentant me coller contre lui avait cru que j'avais envie d'un peu plus. Bien que depuis le départ et surtout depuis qu'il sortait avec Elise je m'étais employée à mettre les choses à plats, il ne pouvait rien y avoir entre nous que de l'amitié. Touchant mes cheveux il me réveilla, se montrait plus doux et mon taquin que d'ordinaire, je croyais qu'il était en manque d'affection comme souvent auparavant quand on se serrait dans nos bras pour juste sentir qu'on avait quelqu'un qui tenait à nous. Et mon coeur qui s'était emballé, je m'étais détourné, lui aussi. J'étais partie faire du thé, lui n'arrêtait pas se répéter à voix basse "Tu ne peux pas, tu ne dois pas". En posant le plateau sur la table basse j'avais laissé tomber ma main sur son épaule, signe qu'il ne devait pas s'en faire, que s'il ne maitrisait pas, moi je maitrisais. Les reproches et les médisances qui revenaient à mon esprit. Ils avaient tous raison finalement. Je n'étais qu'une garce au coeur d'artichaud. Il m'avait tendu un mouchoir voyant que les larmes me montaient aux yeux. Je l'avais saisi et m'étais détourné. Lui m'avait serré dans ses bras, et avait déposé un petit baiser sur ma joue restée sèche grâce au mouchoir. Puis un second était venu s'ajouter au premier à côté de mon oeil. Malgré ma conscience, ou quoi que ce soit d'autre qui me hurlait de m'éloigner je restais là, me laissant faire, jusqu'à ce qu'ignorant cette voix désagréable je me retourne et l'embrasse. Aucun de nous ne semblait vouloir se ressaisir, jusqu'à ce qu'il ne sente ma main glacée comme toujours sur sa nuque. Celà lui fit la réaction d'un café un matin de gueule de bois. Aussitôt il se détourna de moi, se prenant la tête entre les mains, s'excusant. Me laissant à l'autre bout du canapé, immobile mais tremblante. Il but son thé, reposa la tasse sur le plateau, attrapa sa veste et sorti calmement en me lançant un adieu "Je ne reviendrai pas, je te souhaite d'être heureuse ici, loin de moi.". La porte n'avait pas claqué, elle s'était fermée doucement, calmement. Et tout était fini.

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