Vendredi 18 juillet 2008 à 20:13

Doux leurre, septième et dernière partie.

« Bienvenue en enfer l'ange déchu, alors j'espère que tu as un peu mal au moins ? Sinon on va arranger ça. »
 Quelle voix séduisante et puissante, bien plus que celle de Taël. Elle releva la tête. Le diable, magnifique. Beau ténébreux dont les prunelles luisaient d'une émotion indistincte, une musculature parfaite, un être parfait. Un charme sans précédent se dégageait de lui et déjà Eléa sentit sa tête lui tourner sous l'effet de tant de beauté.
Taël avait perçu un hurlement de douleur, celui de Eléa, il en était persuadé, de plus sa présence semblait avoir disparut de la Terre. Il fallait qu'il sorte de cet être pour la retrouver, malheureusement le vieil ivrogne n'allait pas mieux depuis qu'il était là et son corps refusa de le laisser mettre les voiles. Alors Taël fit une chose interdite. Une chose qu'aucun ange avant lui n'avait eu le culot de faire. Il fit marcher le SDF qui reposait contre un mur d'une station de métro jusqu'au bord du quai. Et il attendit, encore et encore. Enfin l'affreux bruit métallique des roues sur les rails retentit. Encore quelques secondes. Le SDF sauta sur la voie, sous les yeux effarés et les hurlements hystériques de témoins du suicide. Le seul moyen de sortir du corps d'un protéger malheureux et de le pousser à mourir, mais la contrepartie était d'aller en enfer pour toujours et de ne jamais revoir la lumière soleil. Néanmoins Taël était convaincu qu'il pourrait revoir le soleil et retrouver Eléa. Ses ailes se déchirèrent, comme écartelées, il hurla de douleur comme n'importe qui l'aurait fait, et sombra dans un coma pour éviter d'avoir à affronter la douleur poignante.

Ses yeux se rouvrirent sur un monde nouveau, et malgré le voile qui pesait encore il vit que ce monde était dévasté de toutes parts. Au milieu de ce carnage sans nom des plaintes s'élevaient, entremêlées de rires, de rires carnassiers et sadiques. En cette désolation où il n'existait apparemment ni froid, ni chaud, se tenaient fiers deux êtres. L'un au teint mat parfait, des yeux brillant d'excitation et des lèvres entrouvertes laissant paraître une dentition parfaitement rangée et ordonnée. A côté de lui, comme une poupée de porcelaine pendait à son bras une jeune fille à la peau pâle et lumineuse, les yeux plus bleus que le ciel espagnol en plein été, des lèvres au rose marqué. Ce couple étrange semblait contraire aux lois de la nature. La jeune fille murmura quelques paroles à l'oreille du grand gaillard à la silhouette musclée et parfaitement dessinée, s'en suivit un rire dément qui rendit ses dents encore plus incroyablement terrifiantes, blanches et rangées, pointues, acérées. Le rire s'arrêta brusquement, laissant place à une voix assurée et charmeuse, irrésistiblement attirante.
 « Alors petite larve, pauvre ange blessé, triste petite peluche démembrée, tu as mal n'est ce pas ?
- Que…Eléa, je dois la retrouver…ah, mon dos, rah, un hurlement bestial et sauvage sorti de sa bouche, son dos le brûlait, ses ailes étaient déchirées.
- Mais regarde mieux Taël.
Elle était là, non, c'était impossible, pourtant il l'avait entendu prononcer son prénom. Où était-elle ? Soudain la vérité se présenta à ses yeux dont le voile décolla. La jolie petite poupée de porcelaine aux yeux bleus et aux lèvres comme un bourgeon de coquelicot….
- Eléa….Vient, on …on va partir, on va revivre et on sera heureux, tout va recommencer et tout ça on va l'oublier, je ferai tout pour te rendre heureuse, pour voir ton sourire encore une fois.
- C'est mon sourire que tu veux ? Eh bien regarde comme il est beau. Il ne t'appartient plus.
- Mais, mais tu disais que tu m'aimais, que…que tu ne regrettais rien, que tu ferai tout pour moi !
- Mais je ne regrette rien, grâce à toi j'ai rencontré Lucifer et c'est de loin la plus belle chose qui me soit arrivé, alors je te remercie mon ange.
Elle se rapprocha encore du diable et déposa un baiser souriant sur ses lèvres, puis repris sa place. Le diable ne parut pas satisfait et lui attrapa le menton pour l'embrasser. Un baiser aussi insignifiant ne suffisait pas pour lui.
- Eléa, qu'est ce que tu fais ?
- Que tu es niais mon pauvre, ce n'est pas pour rien que tu es un ange.
- Mais, je t'aime, ne me laisse pas, regarde je suis revenu te chercher, je te l'avais promis.
- Mais moi je n'ai rien promis du tout. »
Se tournant vers le diable elle rit. Son rire résonnait aux tempes de Taël, un rire d'épouvante, qui eu l'effet d'un poignard dans sa poitrine. Et il se recroquevilla sur lui-même, des larmes coulant sur son visage. Le diable, lui, d'un sourire vainqueur prit la main d'Eléa
« Tu ne veux pas torturer cette pauvre bête ma belle ? Voir ses boucles blondes tâchées de sang ? »
Dans un sourire immense et rayonnant de joie elle le tortura, s'appliquant à suivre les conseils de son diable d'être aimé. Dès les premières paroles elle avait succombé à son charme irrésistible, à sa voix grave et mielleuse, à son corps délicieusement sculpté. Elle était amoureuse du diable et ne le quitterai jamais. Pour elle Taël n'était qu'un vague souvenir, un idiot, un grand benêt. Elle prit un plaisir sans égal à le faire souffrir, à l'entendre pousser des gémissements et à le voir sangloter. Et malgré la douleur lancinante qui le paralysait, l'ange triste ne cessait de répéter « Je t'aime, je t'aime, je t'en veux pas Eléa ».  Finalement Lucifer ne supporta pas qu'il dise encore une fois qu'il aimait Eléa. Un silence s'abattit quelques instants puis deux rires incontrôlables. Le diable et sa compagne se laissèrent dévorer par l'envie qui les habitait et le sang de Taël qui se répandait sous leurs corps nus semblait former une aile d'ange. Et d'ange innocente Eléa devint fiancée du diable.

Vendredi 18 juillet 2008 à 20:11

Doux leurre, sixième partie

 « Antoine ! une fois de plus elle ne reconnu pas sa voix et cela lui parut étrange, même après plus d'un mois dans ce corps elle ne s'y faisait pas.
- Oh, ma biche ça va ? Tu ne veux pas qu'on aille se trouver un coin tranquille ?
- Tranquille si tu veux, mais pas une chambre et on ne couchera pas tant que je ne t'aurai pas parlé !
- Oh, on se rebelle ma poulette ? C'est bien, ça m'excite tu sais ?
- Je me fous de savoir quel effet ça peut avoir sur un porc de ton espèce ! cette phrase là ce n'était pas Eléa qui l'avait prononcé, étourdie d'hébétude elle flancha un peu et ce fut une jolie jeune femme qui la rattrapa, que faisait-elle ici ? Dans le corps de Line ? Et finalement elle compris, c'était son âme. C'était la première fois qu'elle la voyait. La conversation reprit.
- Hum tu montres tes crocs ma belle, j'aime beaucoup ça.
- Tu m'écoutes et après tu parles. J'en ai assez que tu me marches dessus comme ça, que tu me prennes ainsi dès que tu es énervé ou que tu en as l'envie, je ne suis pas là pour ça ! Ensuite si tu lèves encore une fois la main sur moi je hurle et je te tue, ce serait bête n'est ce pas de ne plus pouvoir profiter de mon corps ? Et pour finir je ne veux pas que tu voies d'autres filles. C'est moi, et moi seule. Tu te permets de me violer et de me violenter et tu voudrais en plus pouvoir aller voir ailleurs quand je ne suis pas là. Non, maintenant à toi de choisir, soit tu es d'accord et tu acceptes, soit tu peux toujours courir pour me revoir.
- Hum, ça mérite un temps de réflexion, tu ne voudrais vraiment pas qu'on en parle dans un endroit plus confortable ? »
Il se rapprochait d'elle, ses lèvres frôlèrent celles de Line et son âme la domina. Elle était trop éprise pour résister à ça. Elle le savait bien et ne cherchait plus à lutter. Il l'emmena chez lui, l'appartement était vide évidemment et bien sur la destination finale était sa chambre et surtout son lit. Eléa n'en pouvait plus, elle voulait se battre pour le bonheur de cette jeune fille à laquelle elle s'était attachée, mais quand elle vit la regard et le sourire aveuglant de l'âme de Line elle comprit que son bonheur était avec Antoine, quoi qu'il fasse, elle était perdue sans lui. Alors elle sentit un battement sourd s'accélérer et ce fut comme si sont cœur à elle se réveillait quelque part la rendant folle. Taël. Il fallait qu'elle le rejoigne, tant pis pour la promesse, elle irait en enfer s'il le fallait mais elle reverra Taël pour lui dire qu'elle l'aimait et elle lui prouverait, elle qui venait de comprendre tout ce que ces gestes sauvages signifiaient pour deux êtres qui s'aimaient. Elle s'échappa du corps de Line qui ne la retenait plus, elle se sentit légère comme une plume. Sortant de la pièce rapidement par la porte entre ouverte elle jeta néanmoins un dernier regard à Line et Antoine. L'humain est décidément bien contradictoire. Ses ailes se déployèrent et un bruissement sourd que personne dans la rue ne sembla entendre. Les humains ne voyaient même pas qu'une jeune fille ailée se promenait dans les rues. Tant mieux, ce n'était pas le moment de déclancher une émeute. Elle fila à toute allure vers le ciel, cette immensité bleue. Elle priait pour que comme il l'avait dit il l'attende.

Taël broyait du noir sur Terre, dans cette peau qui sentait le mauvais alcool et sa transpiration. Pourquoi l'avoir envoyé sauver un SDF ? L'enfant avait pourtant dit qu'il resterait là haut avec lui. Il était impossible de le rendre heureux et sa bien aimée, elle, où était-elle ?
Eléa arrivait, les joues rouges, ses yeux avaient repris leur couleur véritable, le bleu, ses cheveux, sa peau, ses formes, tout lui revenait. Preuve que sa protégée ne nécessitait plus son aide. Voyant l'enfant sagement assis au bord d'un nuage elle se rua sur lui.
 « Où est-il ?
- Qui donc ?
- Taël ! »
Son ventre se noua, la bouche la brûla, elle avait promis et à présent revenait sur sa promesse. L'enfant lui arracha les ailes avec une violence inouïe et la poussa du nuage, un rire démoniaque aux lèvres. Eléa tomba, loin, très loin. Et lorsque sa chute s'arrêta elle ne ressentit rien de plus que du désespoir, de la tristesse, de la colère, tout n'était que désolation autour d'elle.

Vendredi 18 juillet 2008 à 20:09

Doux leurre, cinquième partie

Les yeux rivés sur le ciel, scrutant le moindre mouvement, Taël attendait. Encore et encore, la nuit tombait sur le monde et elle ne descendait toujours pas. Il se pris la tête à deux mains, épuisé et malheureux, lorsque, enfin, entre ses longues mèches sombres il aperçut un corps tomber. C'était elle. Elle semblait tomber sur le monde comme une larme à la mer. Comme si le cœur de Taël avait rejoint son âme il sentit quelque chose dans sa poitrine se tordre de douleur et les larmes coulèrent à flot « Ne m'oublie pas mon amour, je t'attendrai toujours, je te le promet. ». Sa voix tremblait sous la tristesse et se brisa sous les violents sanglots qui le saisissaient.

Par la fenêtre de sa chambre, la petite Line contemplait vaguement le ciel. Depuis que sa mère était morte et que son père invitait des prostituées chez eux elle était comme déconnectée du monde, en même temps qui ne le serait pas. La nuit était claire, on distinguait sans peine les étoiles et la lune éblouissante. Ce spectacle était magnifique, et c'était généralement pour elle le seul répit de la journée. Les seuls instants où son esprit était à peu prêt clair. Quelqu'un sonna à la porte d'entrée, elle ne bougea pas, ne sursauta même pas, après quelques instants la porte claqua et les rires stridents d'une femme retentirent. Soit, ce n'était qu'un soir comme les autres, elle se saisit de son baladeur CD et en augmenta le volume au maximum. Revenant se blottir sur la banquette qui bordait la fenêtre elle aperçut une étoile filante et fit un vœu en fermant les yeux comme le désirait la coutume. « Je voudrai que papa redevienne comme avant et que tout s'arrange, que tout devienne beau autour de moi, que la brume qui m'envahit disparaisse. » C'est ce moment que le hasard, ou peut être le destin, la différence est minime, choisit pour faire rentrer Eléa dans le corps de la jeune fille. Line se sentit comme apaisée et s'endormit, la musique dans les oreilles et l'ange dans son corps.

Les premiers jours furent rudes, pour Eléa comme pour Line. Malheureusement pour elle, Eléa avait hérité d'une fille à problèmes. Son petit ami la trompait et la giflait lorsqu'il était saoul, il la violait pour calmer sa colère. Son père couchait avec des prostituées tous les soirs. Sa mère était morte. Ses amis pensaient qu'elle était maudite et la délaissait. Comment faire en sorte que cette enfant soit heureuse ? Comment rendre son sourire à cette jeune fille ? Sourire…cela lui fit penser que Taël avait été séduit par son sourire, son sourire d'ange comme il disait. Et elle n'avait pas souris depuis qu'elle était dans ce corps qui n'était pas le sien. Elle déploya tous ses efforts pour la faire sourire, mais c'était sans compter sans la tristesse qui l'harcelait jour et nuit à cause de l'absence de Taël. Il l'attendrait, il l'avait promis, mais tiendrai t'il réellement cette promesse ? De son côté, la belle ange s'appliquait à ne pas rompre la sienne tout en remplissant la part de son contrat. Line commençait à reprendre des formes et des couleurs, elle mangeait correctement et affrontait parfois le regard de son père. Cet homme odieux à qui on ne pouvait pourtant pas en vouloir. Elle retrouvait de l'assurance et ses amis revenaient doucement vers elle. Eléa était épuisée de ces journées à veiller pour commencer que rien de fâcheux ne vint blesser sa protégée physiquement ou moralement et en plus de cela d'essayer d'arranger les choses avec son petit ami. Son père passait encore, il avait ses raisons, même si aucunes raisons ne devraient pouvoir justifier cela. Ses amis, ils étaient bêtes et c'était tout. Mais son petit ami…elle l'avait bien observé, il ressemblait tellement à Jean, son ancien petit ami à elle. Un coureur de jupons, elle l'avait aimé jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus de tout cela. Elle devait faire très attention, il était dangereux pour Line de rester plus longtemps avec pareil homme, mais il était au moins aussi dangereux de le quitter ou de tenter de le faire. Mais les jours passaient et malgré la malchance permanente qui planait au dessus des belles boucles de la jeune fille telle une épée de Damoclès, la jeune humaine semblait reprendre des forces. Elles devenait belle, sûre d'elle, et Eléa, elle en était persuadée, pouvait à présent tenter d'arranger la situation avec son petit ami. « A nous deux petite enflure » se dit-elle le voyant traverser le parc un jour de grand soleil. Elle couru vers lui. Elle n'en pouvait plus, il fallait absolument que ça marche pour qu'elle puisse enfin retourner avec Taël tout là haut.

Vendredi 18 juillet 2008 à 20:08

Doux leurre, quatrième partie.

Le temps passa, Eléa n'avait jamais eu la notion du temps si bien que pour elle le temps passa à vitesse égale, cependant pour Taël le temps défilait à une vitesse folle, surtout lorsqu'il était avec sa belle aux yeux d'encre. Mais ce qui était merveilleux au royaume des anges, c'est que la fatigue était beaucoup plus longue à venir et rodait beaucoup moins sur leurs épaules. Ils profitaient beaucoup plus ainsi, et la nuit ils partaient, parcouraient les grandes villes qu'ils n'avaient jamais pu voir, jouaient à cache-cache dans les nuages, c'était Taël le plus fort à ce jeu là, malgré sa silhouette longiligne et moins facile à dissimuler puisque plus grande. S'il était le meilleur c'était surtout parce que le fait de ne plus apercevoir son ange à lui rien que quelques secondes lui faisait peur alors il la cherchait comme si sa vie en dépendait, ce qui était idiot puisqu'elle n'en avait plus. Le bel enfant ne reparut pas avant un long moment. Apparemment nulle âme n'était égarée au point de pouvoir abriter un ange. Mais le matin où il surgit fut terrible.

« Eléa tu pars ce soir. Une jeune fille française, j'ai fait attention à la nationalité, ce sera plus simple pour toi qu'une grecque.
- Et moi ?
- Toi tu restes là pour le moment, les garçons ne semblent pas très productifs côté malheur et désespoir.
- Non, je ne resterai pas. Il s'emporta et hurla, l'enfant resta impassible.
- Ecoute, ce n'est pas grave, bientôt tu me rejoindra et puis sinon on pourra toujours se croiser ici quand j'aurai finit de m'occuper de cette petite…comment s'appelle t'elle au fait ?
- Line.
- Taël tu ne retourneras pas sur Terre tout de suite, tu vas rester ici, il faut que tu m'aides à remettre sur le droit chemin les moins perdus.
- Mais, si je ne retourne pas sur Terre je vais, je vais m'effacer.
- Cela fait tout de même plus de quinze ans que tu es un ange, cesse de faire l'innocence et l'ingénu, ça ne prend pas voyons. Ton âme vivra tranquillement encore quelques mois loin de la Terre. Eléa, est trop jeune pour rester plus longtemps éloignée.
- Allez, je vais partir, mais je reviendrai. Sois sage et attends moi, tu veux bien ? »

Il ne répondit pas, se contentant de grogner et de faire une moue déçue et terriblement triste. C'était à croire que le sort s'acharnait sur lui, s'il avait été catholique il aurait sans doute rejeté Dieu, la Bible et toutes ses chimères, mais il n'avait jamais cru en rien d'autre que la vie. Il ne l'avait jamais autant maudit qu'à ce jour. Il sentit en lui un immense trou noir se former. Ce n'était pas juste. Ce trou noir, depuis qu'il était avec elle il avait disparut, et avant il avait tout fait pour tout du moins l'apaiser. Il restait seul, buvait beaucoup, finalement son âme avait finit par se perdre tout comme celle qu'il devait guider. Eléa lui sourit, l'embrassa tendrement sur le front ce à quoi Taël répondit par un baiser interminable et une étreinte passionnée. C'était la dernière fois avant une période de temps incalculable qu'ils se voyaient, leurs adieux devaient être comme leur amour, inoubliable. Finalement la jeune ange suivit l'enfant dont la mine semblait réjoui. Et si…Non, Taël s'interdit de penser pareille chose, un instant l'idée l'effleura que cet enfant était peut être le diable, chose fort improbable. Il resta ainsi seul, assis sur un nuage, à contempler le monde, sans doute pour tenter de la distinguer lorsqu'elle y serait. Mais quand y serait-elle ?

« Bon, tu m'as bien comprise, c'est simple non ?
- Oui, petit oui, tout petit, faible et misérable qu'elle murmurait presque.
- C'est bien tu as un beau sourire, maintenant pars et souviens toi de notre promesse. Si jamais tu l'enfreins tu te retrouveras dans les bras du diable, c'est là que finissent ceux qui enfreignent les promesses faites aux anges. Amuse toi bien petite marionnette ! »
Décidément quel rire diabolique il pouvait avoir ce sale môme. Elle regrettait déjà les paroles qu'elle venait d'échanger avec l'enfant. Cette promesse risquait de lui coûter bien plus cher que les enfers, mais c'était pour lui. Son seul espoir à présent, était qu'il n'apprenne pas cette promesse maudite qu'elle avait scellée avec les yeux verts et sournois. Elle allait prier durant tout le trajet. L'enfant lui avait dit de sauter dans le vide en fermant les yeux et que quand elle les rouvrirait elle serait dans le corps de la petite Line. Une dernière fois elle regarda derrière elle, inspira un grand coup, murmura « Je t'aime, ne m'en veut pas. » et c'est les yeux fermés, les poings serrés et le corps raide qu'elle plongea dans le vide, ailes rétractées.

Vendredi 18 juillet 2008 à 20:06

Doux leurre, troisième partie

Il fallut lui apprendre à se servir de ses ailes. Elle ne les sentait même pas et les contrôlait ainsi sans y penser. Etrangement on aurait pu penser qu'elle-même était un ange, ce n'était pourtant aucunement le cas. Elle fendait l'air, divinement gracieuse avec ses ailes et son rire parfait. Lui, se contentait de la suivre en silence, profitant du temps où il était certain de rester en sa joyeuse compagnie. Et puis cette initiation lui rappela Loue. Loue qu'il avait rencontré il y a tant de temps et pourtant il était toujours le même, il n'avait pas pris une ride. Lorsqu'ils étaient encore humains tous les deux, Loue et lui étaient voisins. Loue était malade, elle avait développé un cancer qui s'était étendu et lorsqu'ils commencèrent à sortir ensemble après tant d'années d'amitié, la maladie était tellement grave que Loue voyait ses jours comptés. Alors une nuit où les deux amoureux se promenaient au clair de lune,  Taël avait pris la main et lui avait promis qu'ils seraient toujours ensemble et puis ils s'étaient bourrés de pilules et de cachets. Et ils étaient arrivés ici, dans ces mêmes nuages au milieu desquels ils voletaient en cet instant. Il se souvint que la première fois que Loue avait voulu voler, elle était tombée et il avait bien failli ne pas réussir à la rattraper à temps. Même si les anges sont comme les poussières d'étoiles éternels, les humains auraient sans nul doute trouver étrange qu'une demoiselle ailée s'écrasa sur le macadam puis se relève comme si de rien n'était. Et puis lorsqu'ils ont été séparés, la première fois en retournant dans de nouveaux corps. Lui au Mexique et elle en Pologne, le temps et l'énergie qu'il avait du déployer pour la retrouver, elle qui ne se souvenait de rien. Et sous ses yeux se présenta la violente dispute d'il y a deux ans. Cette seule dispute les avait séparé, elle ne voulait plus jamais entendre parler de lui, c'était un idiot, un abruti et elle ne l'aimait pas, elle avait juste recherché un peu de compagnie dans sa détresse. A l'évocation de ce douloureux souvenir qui ne manquait jamais de le rattraper un filet de larmes s'échappa de ses yeux. Eléa les recueillit en silence du bout de ses doigts et les avala goulûment, puis l'embrassa. Eléa, leur histoire était différente, même si au fond, c'était pareil. Cette fois, c'était Taël qui était tombé malade, de désespoir après sa séparation avec Loue sans doute, son amour aux yeux encre le savait, le beau blond dont la chevelure était plus foncée lui avait avoué. Et c'est la belle qui était venue à lui, un soir de détresse où il cuvait assis par terre à côté de l'entrée de la station de métro. Elle, la petite orpheline qui n'avait rien à perdre lui avait offert sa vie et son amour, immédiatement attirée par ce garçon étrange au regard comme un tempête de mer. Ils étaient deux anges. Les deux anges de l'innocence.

« Eléa ?
- Chut, ne parle pas trop fort, si j'avais encore mon cœur il m'aurait déjà transpercé la poitrine à cause de ta voix.
- Je suis désolé, ça doit être tellement dur pour toi …
- Eh je peux savoir en quel honneur tu me balances ça comme ça ! Je te rappelle que je suis une orpheline, j'ai rien à perdre.
- Avait, tu es morte, par ma faute.
- Arrête avec ça, c'est merveilleux tout ça, il y a juste une chose que je regrette.
- Quoi donc ?
- Notre apparence physique, elle change de jours en jours, regarde rien que mes yeux et tes cheveux. Comment ça se fait ?
- Oui, c'est vrai, je n'y avais pas pensé. Ce sont nos âmes qui se préparent à repartir chez les humains. Dans de nouveaux corps, car même les anges ne peuvent restés trop longtemps éloignés de la terre qui les a vu naître.
- Ca veut dire qu'on va retourner en bas.
- Oui…. Je sais que je ne te l'ai pas dit et que j'aurai du mais…. »

Sa voix se brisa en un sanglot rauque, il transpirait le malheur et la tristesse, le désespoir lui sortait des yeux. Il s'affala sur le nuage, à genou, exténué par tant et tant de remords. Elle le suivit dans sa chute, se rapprochant de lui et l'enlaçant tendrement, ses doigts s'agrippèrent à ses cheveux.

« Je te dis que je regrette rien. Crois moi un peu bon sang. Ce n'est pas grave si on retourne sur Terre, je saurai te retrouver si on est séparé, je t'aime tellement que mes pieds, à défaut de mes ailes, seraient bien capables de me conduire à toi, sans que j'y pense. Allez viens mon amour.
- Non, je veux rester encore là, je veux rester dans tes bras. S'il te plait, je ne veux pas que tu partes, je ne veux pas te quitter. Je suis sur que je ne le supporterai pas, rien que de te perdre de vue quelques secondes me donne envie de sauter.
- D'accord, d'accord. Calme-toi mon ange, d'accord.
- Hum, tu sens tellement bon, et ces mots n'ont jamais été aussi vrais qu'aujourd'hui …
- Que je sens bon ?
- Non, que je suis un ange. »

Et la tristesse et la détresse dans laquelle ils étaient plongés l'un et l'autre, Taël de peur de la perdre et Eléa de peine de le voir ainsi se faire du mal, s'évaporèrent en rires joyeux mais discrets. Il ne fallait pas rire trop fort, on ne savait jamais, les autres pourraient jalouser leur amour, car même les anges ont leurs défauts.

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